Le 29 mars dernier s’est tenu, à Innovapôle 76, le 1er atelier du programme « Chimie Biosourcée Normandie » déployé sur le territoire par l’UIC Normandie, et son partenaire Nov&atech. Pour rappel ce programme vise le développement de l’utilisation du biosourcé sur le territoire normand, à travers l’accompagnement des entreprises de la branche chimie dans leur processus d’innovation.
Caroline Rémond, cheffe de file du projet ValBran, y était l’oratrice principale.
Etat des lieux des produits biosourcés et témoignages d’industriels
Après un bref état des lieux des produits biosourcés (sourcing végétal, filières de transformation pour la chimie et les matériaux, méthodologie developpé avec l’ACDV pour déterminer le contenu biosourcé, etc.), Régis Marchand de SEPPIC a présenté les différents développements possibles de tensioactifs biosourcés non ioniques à partir de la transformation de sucre (amidon) et de lipides (huiles végétales). Ensuite, Caroline Rémond du Projet Valbran est venue présenter le travail de recherche Interreg France Wallonie Vlaanderen portant sur la valorisation de co-produit agricole (le son de blé) en deux familles de tensioactifs principales que sont les PolyAlkylGlycosides (APG), et les esters de sucres, par des procédés chimiques & enzymatiques.
- Vers la présentation de Caroline Rémond, URCA.
Dominique Charlemagne d’Oléon a, quant à lui, présenté leur nouvelle gamme de tensioactifs issus de la fermentation sans aucune transformation chimique. C’est à partir de lipide de Colza (acides gras/glycérine) et d’une souche de microorganismes (champignons filamenteux) que va se produire sous l’effet d’un stress un tensioactif/biosurfactant (esters). Cette nouvelle molécule présente un intérêt pour la protection des cultures, mais aussi pour la conservation des peintures, les effets antioxydants, hydratant, émulsifiant en cosmétique, etc. Ces tensioactifs sont en cours de notification dans le cadre du règlement REACH car ils sont soumis à des activités de recherche et de développement (liste PPORD).
Et enfin, Christophe Séné de Stepan a clôturé cet atelier en soulevant le concept d’économie circulaire qui n’est pas fondamentalement adapté au tensioactif d’une manière générale, car souvent ces derniers sont contaminés par des corps gras, ou des molécules toxiques, et difficilement recyclables.
La notion de cycle n’existe pas dans le cas de tensioactifs biodégradables. La normalisation des produits biosourcés au niveau européen n’est pas encore suffisamment connue. Elle permet de cadrer les choses notamment au niveau de la terminologie (EN 16575) mais aussi au niveau de la méthodologie utilisée pour déterminer la teneur en biosourcée des produits (EN 16640). Lors de cette dernière norme, la biomasse est quantifiée par la mesure du 14C, et ainsi 4 grandes familles de tensioactifs biosourcés peuvent être définies, allant d’un tensioactif biosourcé en minorité (contenu entre 5 et 50% de teneur en C biosourcé) à un tensioactif 100% biosourcé (contenu ≥ 95% de teneur en C biosourcé). Le seuil des 50 % est important car il définit le pourcentage minimum acceptable par le consommateur pour parler de biosourcé. En effet, la norme prend en compte l’importance de la fonctionnalité du produit, car s’il faut en mettre 5 fois plus pour avoir des propriétés émulsifiantes suffisantes, ou tout simplement pour avoir une meilleure efficacité, cela ne sert à rien d’utiliser des tensioactifs biosourcés. Un projet de norme ISO dédié aux tensioactifs biosourcés est d’ailleurs en cours, une adoption serait prévue pour juin 2018.
Xavier Roussel, de SurfactGreen, a poursuivi la matinée en dévoilant une gamme de tensioactifs, cette fois-ci, ioniques et 100% biosourcés présents sur des marchés de niche spécialisés, où il y a encore très peu de concurrence, comparé aux tensioactifs non ioniques. Cette start-up récente, et issue de l’Ecole de Chimie de Rennes, développe des tensioactifs au stade de scale-up industriel, très proche de la commercialisation. Les gammes de tensioactifs proposées par SurfactGreen permettent des fonctionnalités supplémentaires, comme par exemple une stabilité à tous pH afin d’augmenter le spectre des applications (cosmétique, extraction d’huile, agrochimie, construction, bitume, lubrifiants, traitement de l’eau etc.), et surtout une biodégradabilité du produit, tout en restant compétitif niveau coût.
Quelques conclusions
Les diverses interventions de cet atelier ont confirmé que :
- L’analyse du cycle de vie (ACV) des produits biosourcés, en tout cas pour les tensioactifs, n’est pas forcément regardée et exigée par les clients. A noter que les postes les plus impactants pour l’ACV des produits biosourcés sont l’approvisionnement de la matière première, en terme de transport car les ressources sont de loin d’être locales et la gestion de la fin de vie qui n’est pas encore structuré.
- Aujourd’hui, la motivation première des clients porte davantage sur la préservation de la santé de leur personnel, et l’amélioration de l’étiquetage (toxicité) de leur produit.
- A l’heure actuelle, il y a beaucoup de possibilités en innovation en partant d’une matière première végétale, les plus grandes difficultés portent sur son approvisionnement (disponibilité de la ressource en quantité suffisante pour l’industrialisation), et ses garanties en termes de de traçabilité, d’impuretés, et de procédé d’obtention… Les marchés porteurs pour les tensioactifs biosourcés sont à 80 % le secteur de la cosmétique (ex. emulsifiant des crèmes); le secteur médical (ex. adjuvant de vaccin) ; et le secteur industriel qui représente aux alentours de 15%.
Pour conclure, il existe un certain nombre de tensioactifs mis sur le marché que ce soit des tensioactifs ioniques, ou non ioniques, totalement ou partiellement biosourcés, dont le potentiel sur de nouveaux marchés, comme par exemple celui du phytosanitaire avec le développement du biocontrôle s’avère être intéressant à explorer.
Source : Nov&atech.